Chaque séjour au Sénégal ravive d’infimes habitudes sensorielles et relationnelles mais il déclenche aussi de l’étonnement, et plus... Avec joie on y retrouve des regards-sourires, des odeurs-oignon, des couleurs latérite-vert-mil, des soleils étouffants, les ânes dans la cour d’école, les pirogues dans le labyrinthe des palétuviers, une lumière écrasante, des tables-bancs désossées, brinquebalantes devant les bâtiments scolaires, des pépiements d’oiseaux jaunes-noirs, des salles de classe sombres, poussiéreuses, des propos chauds « j’ai ta nostalgie », « ça fait longtemps, depuis quand ? » et l’arbre à palabres, cette année l’arbre-ateliers puisque nous avons le plus souvent travaillé sous le manguier.
Contrairement à toute forme de tourisme, dans son acception étymologique, les collaborations dokando suscitent assez systématiquement la volonté de comprendre, de mieux décoder ; elles déclenchent la réflexion, le doute, la remise en question, des chamboulements, des bouleversements parce que l’on a perçu, au détour d’un échange, quelques bribes du quotidien de nos collègues sénégalais, quelques unes de leurs préoccupations, de leurs points de vue, parfois même de leurs préjugés.
Cette année nous avons élaboré 11 ateliers choisis pour la plupart par nos collègues africains ; Certains étaient particulièrement techniques comme les écrits sociaux (le CV, la lettre de motivation, le procès-verbal) ou un sujet de grammaire française ; d’autres traitaient de thématiques plus historiques, sociologiques, donc actuelles (la guerre froide, la « fan attitude, la migration). Les échanges ont généré des regards, des propos, des commentaires, un langage corporel qui nous ont laissé parfois sans voix. Décidément il y a ceux du Nord… et ceux du Sud.. En ce qui concerne l’atelier « migration » pas certaine que l’objectif ait été atteint : tenter de se décentrer grâce aux cartes, aux essais, aux nombreuses coupures de presse : la donne historique, les multiples mouvements migratoires sur la planète à travers les siècles, leurs causes diverses, leurs conséquences positives, négatives. Pas sûre que les connaissances, aussi approfondies soient-elles, permettent de dépasser les difficultés du vivre.
On ne sort pas indemne d’une collaboration qui touche aux sciences humaines ; elle ne peut laisser indifférent de part et d’autre ; gageons que les traces déposées non seulement nous enrichissent mais ouvrent des portes sur la connaissance de l’autre.
Christine